Allibert s’efforça de consoler son bourreau en lui affirmant qu’il avait toujours été satisfait de ses services et que Somba allait bien finir par reconnaître tout ce qu’on voulait lui faire avouer. Au pire, on le brûlerai sur la place publique avec l’écriteau : malum maleficus. Mais il remonta les marches en soufflant davantage, un peu décontenancé…
La journée du lendemain fut à Avranches une journée de préparatifs. On avait requis quelques serfs désoeuvrés pour édifier le bûcher sous la surveillance d’un échevin. Le feu était l’ennemi prioritaire des villes à cette époque pour grande part édifiées de bois. Il fallait veiller à ce que le foyer construit sur la place du marché fut à bonne distance de toute habitation trop facilement inflammable mais aussi à l’abri du vent. Se rendant en sa basilique en grand cortège pour sa messe du matin, le prélat fit une petite halte pour constater le bon avancement de la menuiserie. S’il le temps restait de la partie, ce serait une fête magnifique.
Sortant de la messe, il vit Crotoy passer en revue ses troupes. Il en déduisit que celui-
Il y avait cinq lieues de sa cité d’Abrincates à l’abbaye. Cela ne prendrait guère plus de deux heures pour s’y rendre en carrosse. Il partirait juste après le déjeuner pour aller passer la nuit au logis abbatial où il serait reçu par Tancrède. Il se sentait tout émoustillé dans la perspective de découvrir ces petits blondinets au sang bleu qu’on lui avait tant vanté. Cela allait le changer de ces pastoureaux osseux abrutis de sottise et de servitude qui étaient devenus son ordinaire. Il avait parfois la surprise de dénicher parmi le cheptel de novices du préchantre, quelques petites perles que lui fournissait le maître des novices qu’il s’empressait de s’attacher comme enfant de son « cœur » – comme il se plaisait à les appeler-
Chapitre 29
Le transfert de Somba dans le palais de l’évêque s’était fait au soir de l’avant-
Le lendemain soir, après les complies, Allibert curieux de découvrir sa nouvelle victime descendit au caveau. Il constatait avec bonheur que de l’extérieur on pouvait déjà entendre monter les hurlements de Somba que Clément, sans plus attendre, s’était empressé de « travailler ». En connaisseur, il appréciait chaque cri de douleur essayant de deviner avant de pouvoir l’observer quel type de raffinement et quel nouvel instrument ce diable de Clément avait bien pu expérimenter pour obtenir des râles aussi convaincants et aussi saisissant de vérité.
Il fut surpris de trouver son bourreau tout en nage, hésitant sur les outils: bien sûr l’homme torturé n’était en rien insensible aux différents traitements infiniment douloureux auxquels on l’avait soumis, on pouvait d’ailleurs constater le triste état de son corps délabré. Mais les cris du suppliciés lui étaient cette fois trop insupportables tant ils contenaient de haine et de violence. Somba enrageait véritablement comme un grand fauve blessé à mort. Sa vie brûlait en lui comme un flambeau mais, en même temps, elle étourdissait Clément par son âpre résilience. Lui qui pourtant en avait bien vu d’autres s’en trouvait effrayé et, pour la première fois de sa vie, il se mit à redouter une mystérieuse vengeance céleste consécutives aux misérables sévices d’un hideux bourreau. Dès lors, Clément se sentit infiniment fragilisé par sa victime…