Accueil Etudes Champs et grèves Voyages en Asie Histoire et politique Ceux de Scissy Contacts

- Cachez-vous dans la fontaine !  Les gardes de Crotoy vous attendent de l’autre côté de cette porte.

A l’autre bout du champ ils aperçurent alors Le pitancier furieux et ses acolytes sortir du cellier à la recherche du novice.

- Faites ce qu’il vous dit, vite ! C’est un ami de ma grand-mère !… lança Flodoard.

Sans réfléchir davantage, les enfants se plongèrent dans l’eau glacée du bassin dans l’espoir insensé de réussir leur évasion …

L’homme se saisit d’un large fichu qui le couvrait pour se protéger des ardeurs du soleil, le trempa à plusieurs reprise  dans l’abreuvoir et s’en alla porter secours à ses congénères qui se demandaient bien par qui ils avaient été attaqués de la sorte …

L’homme revint un peu plus tard avec une brassée de roseaux qu’il avait été cueillir dans l’étang et dont il avait en un tournemain ôté la moelle pour permettre aux enfants de respirer dans le lavoir sans trop se faire voir.

A ce moment retentit la cloche qui signifiait la fin des vêpres. Tout ce temps-là, Crotoy attendait la procession des moines qui devait se rendre avec l’évêque dans la salle capitulaire. Il avait vu de l’autre côté du cloître le frère pitancier accompagné de deux frères lais se diriger promptement vers le cellier. Il présuma que celui-ci s’en allait ainsi préparer les enfants pour leur présentation à l’évêque. Il était pourtant de fort mauvaise humeur. Etait-ce la peur de ces fichus louviers qui devaient bien se cacher quelque part dans l’abbaye? Par acquis de conscience, il abaissa le pêne de la porte de la salle capitulaire. Celle-ci lui résista. Il trouva étrange que cette porte qu’on allait ouvrir pour la séance du chapitre se trouvât fermée.  Depuis quand les moines mettaient-ils  sous  clé une salle qui ne recelait rien de précieux en particulier. Alors il se prit à douter. Et si les jeunes louviers avaient pu se réfugier ici ? Il fallait qu’il en ait le cœur net. La procession allait arriver. D’un pas vif il contourna  la salle du conseil en longeant le cloître par la gauche  pour parvenir à la petite porte qui s’ouvrait sur la pommeraie et qui permettait au moine cellérier de rejoindre son office. Il trouva celle-ci ouverte.  La salle était déserte, mais la grosse clé était restée sur la porte.  C’est alors qu’il aperçut par terre, juste derrière le grand coffre contenant ses candélabres, une cotte de coton qui avait du s’échapper du baluchon que transportait Ipona lorsqu’ils s’étaient changé.«  Ce n’est certes pas là habit de moine, voilà bien là où se sont cachés nos fuyards.»


 Il se précipita à l’extérieur vers le verger pour scruter le champ. Il vit bien les trois frères lais qui se reposaient à l’ombre d’un pommier.

- Hé, vous autres, vous n’avez pas vu passer un groupe de pèlerins, il y avait parmi eux des plus jeunes ?

- Les pèlerins ne sont pas admis par ici, messire. En tous cas, j’avons rien vu. Mes frères ont pris un coup de chaud, c’est pour ça qu’on boit un coup !...

Par miracle, il n’aperçut pas dans le bassin les enfants qui retenaient leur respiration. Il savait ce côté de la maison bien gardé. A ce moment, on heurta la porte du chapitre. C’était le prieur qui s’étonnait que cette huis resta fermée. Il se précipita à l’intérieur pour leur ouvrir le lourd battant, laissant passer le cortège.

 Il prit d’abord le parti de tenir sa langue. Mais lorsque Tancrède passa devant lui en le repoussant d’un geste du bras pour lui faire comprendre que sa présence parmi les moines était à peine tolérée dans la salle du conseil, Crotoy lui montra la cotte d’Alrun. L’abbé comprit tout de suite que le capitaine avait retrouvé la trace des évadés. Mais il dut s’effacer pour laisser passer l’évêque.

Sortant dans le cloître le pontife s’apprêtait à rejoindre le réfectoire où le préchantre  assisté du maître des novices  devaient regrouper les enfants pour leur présentation. A cet effet, le pitancier avait rassemblé dans de grandes corbeilles des brioches que l’évêque leur distribuerait après les avoir bénies. Crotoy voulait s’assurer que ses petites victimes seraient bien présentes et suffisamment abruties par l’infusion de pavot et les gâteaux au chanvre que leur avait préparés  le frère apothicaire. C’est alors qu’il vit venir à lui, venant du cellier, le gros moine tout rouge et tout essoufflé.

- Messire Crotoy, messire Crotoy, il faut que je vous dise !

- Et bien, accouche, cénobite de carnaval !

- Les faux  pèlerins …

- Quoi les faux pèlerins ?

- On les a retrouvés !...

- Quoi ! Où vous les avez retrouvés ?

- Ils ont pris la place des jouvenceaux !...

- Qu’est-ce que tu dis !

Le frère pitancier tomba à genoux redoutant sa pénitence…

- Les trois blondinets se sont envolés avec mon novice, Flodoard ! ….  Et il commença de geindre.




La colère de Crotoy